Sabine, designer textile

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Description

Sabine vit à Belleville-sur-Saône, dans le Rhône. Elle est dessinatrice textile. Aujourd’hui on dit « designer textile ». Elle crée, à destination d’imprimeurs, de marques de vêtements ou de créateurs, des motifs (« print ») qui seront ensuite imprimés sur tissu.

 

Designer textile, une vocation ?

 

Cette activité, bien connue de Sabine puisque sa mère l’exerçait à Lyon quand elle était enfant, n’était pas son choix de départ. « Je ne ferai jamais ça ! » s’était-elle promis. Elle a donc intégré une école de communication davantage orientée vers la pub, le packaging avec tout de même un apprentissage des bases du dessin. Puis elle s’est ravisée. Finalement le textile la tentait bien. Elle a travaillé une dizaine d’années dans de grands ateliers de dessin à la Croix-Rousse. Dans ces ateliers, des rangées de dessinateurs salariés, parfois mis en concurrence par le patron qui distribuait des primes en fonction du taux de vente de chacun, passaient leur journée à créer des motifs. Leurs collections étaient ensuite diffusées par les commerciaux de l’entreprise.

 

Du salariat à l’indépendance

 

Sabine s’est un jour fait la réflexion qu’elle se sentait capable de gérer seule la partie « vente » de son activité, vu la spécificité de son art. En effet même l’aspect commercial de son métier reste, selon ses propres mots, « très humain ». Elle apprécie « le contact avec des clients qui gravitent dans le milieu du dessin et qui ont une sensibilité artistique ».

En collaboration avec un commercial doté d’un carnet clientèle, elle a donc sauté le pas, quitté les grands ateliers et démarré son activité de designer textile indépendante.

Puis son métier a évolué, les prix de vente du design ont été revus à la baisse. N’ayant plus les moyens de verser des commissions à un intermédiaire, Sabine a dû se passer de son commercial.

Aujourd’hui elle œuvre en collaboration avec une collègue dessinatrice, également à son compte. Les deux artistes mettent en commun leur collection de design et se partagent le coût de location des stands des salons parisiens et internationaux où il est indispensable d’être présentes

 

Salons, voyages, négociations en tout genre… ou comment tenter de vendre une collection

 

Sabine et sa collègue se font connaître en se rendant chez certains clients pour montrer leurs collections ; en participant à des salons accueillant une clientèle mondiale où toute la filière textile (dessinateurs mais aussi fabricants de boutons, tissus, accessoires…) se trouve représentée ; en se déplaçant en France ou dans certains pays comme l’Italie. Pour des pays plus éloignés ou moins faciles d’accès, Etats-Unis, Turquie… Sabine et sa collègue ont recours à un agent, « ça reste malgré tout moins coûteux et moins compliqué que de se déplacer soi-même. »

Sur les salons les clients marchandent, c’est le jeu. Il faut souvent expliquer aux étrangers ce que représentent les charges sociales en France quand ils trouvent que les tarifs sont trop élevés. C’est compliqué, parce que tous les pays fonctionnent différemment à ce niveau. Sabine essaye d’harmoniser ses prix avec les autres studios de dessin. Elle ajuste également le prix de vente de ses collections en fonction de l’origine de sa clientèle. « On vendra un peu moins cher en Turquie qu’aux Etats-Unis, par exemple, mais on essaye de ne pas baisser les prix au-delà d’un certain seuil de façon à ne pas travailler à perte. »

 

Quels avantages à être indépendante ?

 

« J’ai gagné en qualité de vie, j’ai pu rester présente à côté de mes filles, je bénéficie d’une souplesse organisationnelle. Je sais que mon métier n’est pas très lucratif mais je prends beaucoup de plaisir à le faire car j’aime créer, me sentir indépendante, faire quelque chose qui a du sens… tout cela est très important pour moi. » explique Sabine.

 

Le revers de la médaille ?

 

Des semaines de travail très lourdes, 40, 50 heures parfois avec des « pics » lorsqu’il y a des salons… tout cela pour toucher à peine un SMIC.

Les étudiants qui rendent visite aux designers textile ne sont pas toujours conscients de « tout ce qu’il y a autour » ; Sabine confie par exemple n’avoir jamais aucune certitude de parvenir à vendre ses créations : « Dans ce métier il y a des hauts et des bas, on n’est jamais sûre de rien ». Toujours il faut démarcher, aller chercher des clients, répondre à des appels d’offre, négocier les prix etc. C’est beaucoup de temps et d’énergie. Elle a l’impression que ces données-là ne sont pas abordées dans les écoles de design.

 

Quelques activités annexes indispensables

 

Forte de sa formation de graphiste, Sabine réalise également des plaquettes de com et crée des sites internet pour des particuliers et des entreprises. Même si son centre d’intérêt principal reste le textile, ces compléments d’activité ne sont pas négligeables.

Elle participe par ailleurs au collectif LIGRES, créé avec quelques connaissances et amis, qui organise des concerts, des expos et d’autres actions autour du numérique.

 

Le statut d’artiste-auteur vu (et vécu) par Sabine

 

Auparavant géré par la Maison des artistes, le statut d’artiste-auteur est désormais pris en charge par l’Urssaf.

 

Les avantages de ce statut selon Sabine…

  • Facile à gérer.
  • On bénéficie de la sécurité sociale.
  • On paye des charges en fonction de nos rentrées d’argent.
  • Souple, ouvert à plusieurs métiers.

 

Et les inconvénients ?

  • Très peu de garanties sociales : j’ai touché le minimum quand je suis tombée enceinte, je n’ai pas eu droit à un congé maternité, je n’ai pas droit au chômage, je suis obligée de cotiser pour une retraite complémentaire et je ne bénéficie pas de congés payés. Et il vaut mieux que j’évite de tomber malade !
  • Des charges élevées : lorsque je facture une création, il faut savoir que je toucherai seulement 40 % de la somme engrangée. Il faut ensuite déduire le coût de la matière première, prendre en compte la TVA. Au final, il ne me reste pas grand-chose.

 

Un statut qui ne prend pas en compte les phases de recherche et de création

 

Sabine se sent parfois comme une « intermittente ». En effet, à l’instar de l’art vivant, la pratique de son art nécessite de longues périodes de création, qui peuvent aller jusqu’à 3 mois. Pendant ce laps de temps elle ne vend rien mais ne touche pour autant aucune aide ni indemnité. Il faudrait repenser cet aspect-là pour lui permettre d’exercer son art un peu plus sereinement.

 

Sylvie Callet